Quels impacts ces outils de production et ces supports de diffusion dématérialisés ont-ils sur notre écosystème musical local ?
On ne vous apprend rien en vous disant que le digital a révolutionné en profondeur l’industrie musicale.
Quels impacts ces outils de production de nouveaux genres et ces supports de diffusion dématérialisés ont-ils sur notre écosystème musical local ?
Comment sont-ils utilisés ?
On en parle avec nos invités :
- Joël JACCOULET, producteur au label B Carribbean
- E.sy KENNENGA, artiste
Joël JACCOULET | Producteur au label B Caribbean
Joël JACCOULET, pouvez-vous, vous présenter ?
“Je suis avant tout un compositeur, c’est comme cela que j’aime me définir. Je suis auteur-compositeur et j’ai monté mon label B Caribbean il y a maintenant 20 ans.
Au début, c’était avant tout un cadre juridique pour exercer mon métier de compositeur parce que j’avais du mal à commercialiser ma musique. Et je trouvais que le meilleur moyen c’était de le faire moi-même.
Cela m’a aussi permis de me rapprocher d’interprètes, d’artistes, pour pouvoir avec eux monter des projets que j’allais être amené à produire.
J’ai travaillé et produis des albums de E.sy KENNENGA, de Stevy MAHY, de Victor O, de GOLDEE, de Perle LAMA, Jann BEAUDRY, Silk ASARA, Maurane VOYER, et plein d’autres.
Et puis voilà, tout simplement aussi en tant que compositeur, de travailler avec des gens que j’admire, comme Jocelyne BEROARD. Ou de monter des concepts comme des albums comme “Duos du Soleil” et “Créole Pop”.”
Comment avez-vous vécu l’arrivée de la technologie dans l’univers musical ?
Quels sont les atouts et les désavantages que cela a représentés ?
Comment vous positionnez-vous par rapport à ceci ?
“Parfois, j’ai l’impression que cette révolution technologique a été faite pour moi parce que ça correspond vraiment à ma manière de travailler. Disons qu’aujourd’hui, la technologie permet de raccourcir la distance entre l’inspiration et la mise en œuvre.
J’ai connu des époques, où il fallait se réunir pour pouvoir faire un titre. Il fallait louer un gros studio, avoir un ingénieur du son, un assistant ingénieur, du matériel, des bandes.
Alors qu’aujourd’hui, ce laps de temps, s’est considérablement rétréci, ce qui fait que de l’idée à la réalisation, il y a moins de temps et moi ça me va.
La technologie a une tendance je trouve globalement à démocratiser les savoir-faire. Ce qui avant, nécessitait effectivement le concours de spécialistes.”
Comment avez-vous vécu cette période de transition vers la musique en ligne, le téléchargement, les plateformes, etc ?
“Les transitions c’est toujours compliqué avant d’arriver à pouvoir utiliser pleinement les nouvelles données, de bien les comprendre.
Mais dans un sens, cela réduit les coûts de transport, de pressage de pochettes.
Et donc les revenus ont diminué mais les coûts aussi ont diminué. Cela coûte beaucoup moins cher de faire de la musique aujourd’hui.
Même s’il a un investissement de base quand on veut le faire bien qui est quand même conséquent mais qui n’a rien à voir avec ce que ça pouvait représenter à l’époque des gros studios.”
Comment fonctionne l’économie des plateformes de streaming musicale comme Spotify, Apple Music ou Deezer ?
“Chacune de ces plateformes a un système de calcul qui rémunère le producteur.
À l’époque, vous achetiez un album à 20€ dans un magasin. En moyenne, le producteur récupérait 10€ et il reversait 1€ à 2€ à l’artiste. Vous pouvez écouter l’album 1 fois au 2000 fois, vous avez quand même donné 20€, rien ne change sur la rémunération.
Aujourd’hui, vous payez par exemple 10€ par mois pour écouter tout ce que vous voulez. On peut penser que, par exemple 300 écoutes c’est beaucoup sur une plateforme de streaming musicale. Mais en réalité, cela ne rapporte même pas 1€ à l’artiste et ni au producteur.
Mais ce qui est intéressant, c’est que vous allez écouter ce même produit aujourd’hui, mais peut-être aussi dans 15 ans. Cela va générer des revenus tout au long de votre vie d’écoute, contrairement aux CD.
Donc, il faut essayer d’inciter à toucher le plus grand nombre. Et grâce aux technologies c’est possible et plus facilement accessible.
C’est pour ça que les gros artistes s’en sortent très bien. C’est un système qui a été créé pour les très très gros artistes.
Parce qu’effectivement, quand un morceau par exemple de Drake sort, il est écouté dans tous les pays du monde. Et puis il va être écouté cette année, l’année prochaine, il sera dans des playlists, enfin dans 10 ans et dans 15 ans.”
Quel est votre regard de producteur par rapport aux plateformes de streaming musicale comme Spotify ?
Comment les artistes et les producteurs assurent la pérennité de l’activité ?
“C’est en se diversifiant que l’on assure la pérennité de son activité musicale. Les artistes défendent aussi leur musique sur scène par des concerts, ce qui génère des droits.
Aujourd’hui, en Martinique, il y a peut-être deux artistes qui s’en sortent. Ils ont touché le plus grand nombre, comme le public urbain de France. Ce qu’on n’était pas obligé de faire avant.
Avant, en vendant ne serait-ce que 3000 CD, on savait qu ‘on pouvait générer des droits et des revenus et des choses qui permettent de rester dans notre niche.
Aujourd’hui, l’équivalent en écoute de ce que représentaient 3000 CD ne suffirait même pas, je pense, à payer l’essence pour aller jouer dans une prestation à l’autre bout de la Martinique.”
En tant que producteur musical, comment accueillez-vous l’arrivée de l’intelligence artificielle ?
“J’avoue que je ne suis peut-être pas très représentatif de l’inquiétude générale qui entoure ce sujet parce que moi j’accueille généralement les évolutions technologiques avec joie.
Je pense que quand on est un vrai créateur, on ne devrait pas avoir peur de ces outils-là. Je me dis que si à l’époque de la Renaissance, on aurait montré PhotoShop à tous les grands artistes, ils auraient arrêté de peindre.
Et alors aujourd’hui, on voit que Photoshop n’est qu’un outil et qu’il faut savoir l’utiliser. Il y a des gens qui vont l’utiliser simplement, bêtement, et puis il y a des gens dont on va voir la vraie plus-value. Toutes ces technologies-là, c’est pareil.
Aujourd’hui, on est un peu comme des peintres de la Renaissance, on nous montre plein d’outils d’IA, qui nous donnent l’impression qu’on pourrait être obsolète.
Et moi je dis juste, que c’est à nous de trouver la plus-value à apporter à cet outil.
C’est un outil tellement puissant que ça nous repousse dans le retranchement de créateurs.
La question est plutôt, qu’est-ce que nous, on peut rajouter pour rendre ce travail différent, qu’est qui va le rendre humain en fait.
Et moi, effectivement, je suis tous les jours en train de découvrir ce qu’on peut faire avec les IA. Donc moi, c’est quelque chose qui me fascine, ne me fait pas peur du tout, du tout. Moi, c’est quelque chose qui est comme une émulation.”
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E.sy KKENNENGA | Artiste
Comment avez-vous commencé votre carrière musicale et puis qu’est qui vous a amené à collaborer avec B Caribbean ?
“J’ai commencé ma carrière au lycée. J’ai sorti deux albums, puis j’ai travaillé avec Joël JACCOULET. Ensuite, on a sorti un troisième album et j’ai intégré B Caribbean. Puis j’ai entamé une carrière solo.”
Avez-vous connu la production musicale non assistée par la technologie ?
“Nous avons effectivement commencé sur des enregistrements sur bandes.
Chaque son, prenait des heures juste pour passer de la maquette à mettre les fichiers dans le studio. Ça prenait déjà des jours, des fois. On appelle ça le vidage. J’ai connu les dernières années de ces processus. Et donc, du coup, la MAO a facilité tout ça.
J’ai pu commencer à faire ça chez moi plutôt que d’attendre les disponibilités des studios. On peut donc créer en plus grandes quantités.”
La production musicale assistée par ordinateur facilite la création, mais ne se fait pas au détriment d’une certaine qualité ?
“Je vois seulement une différence, c’est le fait que l’on ne se rencontre plus en présentiel pour faire de la musique. Cela a appauvri les rencontres, et cela manque.”
En tant qu’artiste, quel rôle joue YouTube pour vous ?
“De mon côté, YouTube est vraiment une vitrine. Cela sert à entretenir la relation avec une partie de mon public.
La plateforme ne génère pas vraiment de revenus.”
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