Accueil » Mercredis Connectés » Se reconnecter à son histoire et à sa culture grâce au digital | Saison 2 Épisode 29
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Le digital au service de notre mémoire collective

Ce 22 mai, date importante marquant la commémoration de l’abolition de l’esclavage en Martinique, nous allons découvrir comment le digital peut nous aider à nous reconnecter à notre histoire.

Les nouveaux médias historiques et leur impact

Les podcasts, les réseaux sociaux, et les publications en ligne offrent de nouvelles voies pour diffuser et discuter de l’histoire. Dans cette émission des Mercredis Connectés, nous vous montrons comment ces plateformes peuvent être utilisées pour éduquer, engager et inspirer une nouvelle génération de passionnés d’histoire. 

Merci à nos invités : 

  • Zaka TOTO, doctorant en histoire et fondateur de la revue littéraire Zist
  • Valérie-Ann EDMOND MARIETTE, doctorante en histoire et fondatrice d’Oliwon Listwa
  • Yannis ROSAMOND, créateur de contenu historique. 

Zaka TOTO | Doctorant en histoire et fondateur de la revue littéraire Zist

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Qu’est ce que la revue littéraire Zist ?

 

Zist est une revue littéraire et culturelle que j’ai fondée en 2018. L’idée était de rassembler dans une revue numérique des auteurs, des poètes, mais aussi des chercheurs à la fois afin de créer une scène littéraire, afin aussi de favoriser la vulgarisation de ce nombre de concepts et de problématiques et de les rendre tangibles avec des problématiques actuelles. 

Nous sommes entièrement en ligne, avec l’idée de faire de l’imprimé bientôt. Nous comptons plusieurs centaines d’abonnés un peu partout dans le monde. Je pense qu’on a déjà dépassé les 500 000 lecteurs sur 6 ans. Voilà, vous pouvez vous abonner pour 5 euros par mois parce qu’on vit sans pub. Nous sommes indépendants.”

Pourquoi avez-vous fait le choix d’un média numérique ?

“En 2017, j’avais créé un blog avec plusieurs autres amis et qui a énormément marché. Je me suis dit qu’il fallait professionnaliser tout ce process, professionnaliser tout le monde, rémunérer tous ceux qui participent à l’aventure. 

Et puis, très vite aussi, je me suis rendu compte qu’on avait beaucoup d’a priori. Je me rappelle au début – j’écris beaucoup d’essais plutôt longs – et tout le monde me disait que ça n’allait intéresser personne. Et en fait, ça s’est révélé  faux. Les gens lisent, ou en tout cas sont plutôt intéressés par cela.

Donc ce choix du numérique permet finalement de franchir les barrières physiques. Et puis, à l’époque il n’y avait plus d’imprimerie de presse en Martinique et les prix étaient tout simplement sept fois supérieurs à ceux de l’Hexagone et donc le numérique nous a permis de surmonter cet obstacle en fait.”

 

Quelle est la ligne éditoriale de Zist ?

“De mon point de vue, ce qui m’intéressait c’était d’inclure toutes les générations en Martinique ce qui va peut-être permettre de faire émerger un certain nombre de personnes.

Et effectivement, être indépendant, donc ne pas dépendre de la publicité qui est une vraie contrainte, ne pas dépendre des contenus bradés, permettrait aussi d’aborder un certain nombre de sujets en toute liberté.

Et pour le coup, cette liberté nous permet justement d’avoir une crédibilité, on travaille très sérieusement. Et donc ça permet finalement de créer comme ça cette espèce de marque qui a sa valeur et qui a trouvé sa place.” 

 

Qui sont les lecteurs de la revue littéraire et culturelle Zist ?

“60 % de nos lecteurs sont antillao-guyanais et 40 % sont d’ailleurs. Nous sommes présents dans plus d’une dizaine de pays. Et ce sont essentiellement des femmes (70 % ) entre 25 et 45 ans. 

Après je suis très surpris, nous avons des profils très différents Je suis assez content qu’on publie quand même pas mal de premiers auteurs, des gens qui n’ont pas fait d’études en principe ou qui ne seraient pas assimilés comme des intellectuels. On a vu des agriculteurs, parfois sur pseudo, on a publié des policiers qui sortent des choses qui sont absolument admirables.”

Zist est une revue indépendante. Est-ce que le modèle économique sans publicité et qui repose uniquement sur les recettes des abonnés suffit ?   

 

“Clairement non. Je pense que chaque année, en début d’année, je me pose la question, est-ce qu’on va finir par faire de la publicité ? Mais c’est un choix, c’est un choix qu’on a fait. Ça nous permet quand même d ‘être dans le vert. 

Valérie-Ann EDMOND MARIETTE | Doctorante en histoire et fondatrice d’Oliwon Listwa

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Qu’est-ce que Oliwon Litswa ?

“Je crée Oliwon Litswa en 2018 parce qu’en fait j’ai besoin d’argent. C’est aussi simple que ça. Je réfléchis à commencer une thèse et je suis pas sûre de le faire. Mais une chose est sûre : je suis une jeune Martiniquaise qui rentre au pays et je n’ai pas forcément envie d’aller enseigner au collège ou au lycée, je ne me voyais pas faire ça à ce moment-là. 

Et pour le coup, j’avais déjà créé un circuit que je faisais pour les amis de passage, la famille, à Fort-de-France, qui s’appelait le Foyal colonial.

Et puis tout le monde m’a dit, mais en fait, tu peux clairement te débrouiller comme ça. Et en fait, c’est ce que j’ai fait. Donc l’idée au départ, ce sont des balades historiques, les participants et participantes peuvent découvrir une partie de notre histoire à travers l’espace urbain.

Le deuxième aspect, c’est tout ce qui va être consulting. Donc, ce sont des missions de recherche auprès de particuliers, d’entreprises, d’institutions qui veulent commémorer un certain nombre d’événements. 

Et puis, le dernier point, c’est la partie conférence, intervention.”

 

Est-ce que vous trouvez justement que le digital, notamment par le biais des réseaux sociaux, c’est un nouveau levier pour accéder à nouveau à la connaissance de son histoire ? 

 

“Alors, je pense que le digital, c ‘est à double tranchant. C ‘est-à-dire que soit ça peut être un levier extraordinaire, soit ça peut être complètement la fin des haricots.

Pour le coup, moi je ne crée pas. Je ne suis pas dans la création de contenu. Ce n ‘est pas trop mon truc. Mais pour le coup, il y a d’autres comptes qui existent, qui font ça et qui le font très bien. 

Et puis il y a ceux qui essaient de le faire et c’est un échec, c ‘est un raté complet. Ça donne de très mauvaises idées aux gens et les gens comprennent très très mal notre histoire et ça fait beaucoup de problèmes.”

 

Qu’est ce qui fait selon vous que le podcast, c’est-à-dire du contenu audio disponible sur des plateformes en ligne, est un bon levier pour se reconnecter à son histoire ? 

Alors, je pense que nous avons un rapport à l’oralité qui est très important dans notre société. Et je pense que l’idée de Gérald Joseph Alexandre, dans ce sens, était extrêmement importante et arrive à point nommé. 

Cette idée, c ‘est que tout ce qu ‘on pourrait se raconter chez soi, entre nous, c’est finalement le rendre accessible au plus grand nombre. Et pour le coup, je le remercie beaucoup parce qu’en fait, j’avais plein d ‘idées sauf que moi, ce n’est pas mon métier : créer du digital, gérer des réseaux sociaux, penser à un logo, du branding. Il faut mettre ci, il faut des posts. Ce n’est pas du tout mon truc. Et pour le coup, il me met très à l’aise avec une chanson en histoire où en fait, moi, j ‘arrive en studio, j’enregistre mes épisodes, je rentre chez moi, je n’ai pas à monter.”

 

Est-ce que vous pouvez nous raconter le concept d’une chanson en histoire ?

“Alors une chanson en histoire, c’est le premier podcast d’Oliwon Litswa. Et l’idée, c’est en 10 minutes, de décrypter un tube de chez nous, de dire qui, quand, quoi ou comment et de vraiment contextualiser la chanson, la décrypter, la décortiquer.”

 

Comment on fait aujourd’hui pour éduquer sur l’histoire quand il est possible finalement de créer aussi facilement du contenu ?

“J’essaie tout le temps de dire aux gens, dès que c ‘est simple, fuyez. L’histoire ce n’est pas un sujet simple. Et les personnes qui disent le contraire mentent. Elles mentent soit parce qu’elles n ‘ont pas envie de réfléchir, soit elles mentent sciemment et c’est de la manipulation. Et donc moi je l’ai dit tout le temps, à partir du moment où les idées sont résumées de manière simpliste et qu ‘il y a un méchant et un gentil – parce que c ‘est vraiment comme ça que c ‘est montré par certains comptes- cela nous fait aller droit au mur.

Alors que quand les gens font un vrai travail de recherche, et on n ‘est pas obligé d ‘être chercheur pour faire un vrai travail de recherche. C’est vraiment une question de méthode et de déontologie.

Après, c’est un apprentissage, cela ne s’improvise pas. Quand certains citent les sources dans leur contenu, ils en ont de très bonnes, mais leur compréhension de l’histoire est complètement altérée, je vais dire, et c’est un problème.”

 

Yannis ROSAMOND | Créateur de contenu historique

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Votre compte Instagram Yannisdebrief possède 33 000 followers, est-ce que vous pouvez présenter votre concept ? 

 

“L’idée est très simple : c’est de pouvoir raconter des faits historiques qui se sont déroulés en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Donc effectivement, j’ai commencé il y a à peu près un an et demi. Ça a connu très vite un franc succès.

Donc effectivement 33 000 abonnés sur Instagram et 37 000 sur TikTok puisque TikTok est davantage le réseau social qui permet ce genre d’initiatives. Et il est important également de le préciser, comme vous l’avez annoncé, je ne suis pas un historien. 

Et moi, je me sers justement du travail fait par des historiens pour pouvoir concevoir des vidéos en exposant toutes les thèses qui sont évoquées. 

Et cela permet effectivement au public, notamment les plus jeunes qui regardent ces vidéos-là, de se faire leur propre idée sur ces histoires, ces vidéos, et d’aller plus loin dans les expériences tout en citant les sources.”

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer ce projet ? 

 

“Très simple. Chaque année, dans mes activités associatives et professionnelles, j’accueille plus d’une vingtaine de jeunes. Et je suis extrêmement choqué de voir la méconnaissance de l’histoire de nos jeunes. 

“Nos jeunes Martiniquais passent davantage de temps devant la télévision ou encore sur les réseaux sociaux. Et j’ai constaté également une absence parfois d’historien, dont c’est le métier et qui ont le savoir sur les plateformes digitales. 

J’ai eu l’occasion d’échanger avec beaucoup d’historiens qui, justement, me disaient qu’ils n’avaient pas forcément cette capacité, ni même le temps de pouvoir le faire. 

Je suis amoureux de l’histoire, je ne suis pas historien, mais pourtant, j’ai toujours été très sensible à ces questions-là. J’ai donc mixé ces deux passions, cet amour pour l’histoire, mais aussi mes capacités à pouvoir produire du contenu et en faire quelque chose d’assez intelligible. »

 

Que pensez-vous du phénomène de simplification de l’histoire ?

 

“J’avais cette échange-là avec une historienne et elle expliquait justement qu’il n’était pas possible pour elle de pouvoir faire des chroniques sur une minute, alors que l’histoire est tellement nuancée en réalité qu’il y a tellement de choses dites et pas dites, que c’est totalement impossible.

C’est donc pour cela justement que je ne prends pas position. Je ne prends jamais position. Et donc j’invite justement le grand public à se faire son propre avis et à faire des recherches complémentaires.”

 

Dans une vidéo sur votre compte Instagram, vous avez créé un fait divers, on voit que ça a beaucoup plu.

Et puis finalement à la fin on s’en rend compte que vous avez complètement falsifié l’histoire.

Et vous montrez comment vous avez utilisé l’intelligence artificielle pour finalement réussir à recréer des moments historiques.

Quel regard portez-vous sur cette technologie ?

 

“Alors justement, c’était pour prévenir des risques qui sont liés à l’intelligence artificielle, mais surtout, c’était une opération promotionnelle où justement, j’expliquais qu’il y avait la possibilité de se former à cette nouvelle technologie pour pouvoir maîtriser aujourd’hui des outils qui permettraient effectivement demain de pouvoir être maître de son destin.”

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